Perliculture: passion et environnement. Un mariage délicat.
Tout ceux qui auront eu la chance de vivre quelques années au bord du lagon d’un atoll me comprendront aisément. Cette expérience unique, au cœur d’une nature préservée, laisse au fond de soi des souvenirs impérissables. La passion de la perliculture est étroitement liée et entièrement dépendante de la qualité de l’environnement et de la richesse du lagon.
Cependant, tout n’est pas toujours idyllique et il faut être prêt a en payer le prix, la perliculture est un métier très difficile. Une activité qui, pratiquée artisanalement, fait appel à de multiples compétences.
La vie sur un atoll demande une organisation sans faille, un sens affuté de la logistique et une certaine philosophie afin de savoir se passer de ce que l’on a pas…
La gestion des stocks de matériel ou de nourriture devient, alors, un poste stratégique de première importance. Savoir entretenir et réparer, soi même, bateaux, moteurs et autres matériels devient une obligation.
Les plongées quasi quotidiennes, qui généralement, dans le cadre d’une micro entreprise sont effectuées seul, ne sont pas sans danger.
Les apnées répétitives, sur les filières d’élevage, pour sortir et reposer les nacres utilisées dans la journée peuvent s’étaler sur plusieurs heures.
Les plongées bouteilles nécessaires pour construire les structures des filières d’élevage et le ramassage des nacres, décrochées, tombées sur des fonds pouvant atteindre les 60 mètres.
Rappelons que les premiers secours, souvent très rudimentaires sont distant de plusieurs kilomètres. Nombreux sont les infortunés qu’ils l’ont appris a leur dépend.
Le travail en apnée est une activité quotidienne incontournable
La journée du perliculteur commence, tôt le matin, par de longues apnées pour aller chercher ses nacres sur les filières et se clôture par la repose de ces mêmes nacres
Vous l’aurez compris, une ferme perlière est une entité presque autonome, qui, malgré un environnement propice à la « farniente », nécessite une certaine rigueur et un engagement de tous les instants. Tout éleveur, travaillant avec du vivant connait les affres de l’incertitude des résultats, et l’attention quasi permanente que l’on doit apporter a ses animaux.
Un équilibre si fragile
Une foule de danger menace le fragile élevage:
– Les prédateurs en tous genres sont nombreux : raies, balistes, tortues pour ne citer que des plus connus.
– Les épibiontes, parasites et autres compétiteurs alimentaires des huîtres perlières dont la prolifération est tenue en échec par des nettoyages réguliers espacés de trois mois en trois mois.
– Les conditions climatiques peuvent avoir des effets désastreux sur l’élevage. L’augmentation de la température du lagon influencée par notre cher « el niño » peut déclencher un blanchiment des coraux ainsi que de dangereux blooms planctoniques pouvant engendrer des mortalités massives. Les vagues générées, par les tempêtes tropicales et autres cyclones peuvent avoir raison des filières les plus solides ainsi que des installations a terre et au passage, souiller les réserves d’eau potables, si précieuses.
– Mais le plus grand des prédateurs reste encore le bipède, attiré par tant de promesses de richesse facilement acquises. Et contrairement aux idées reçues, la menace vient généralement de l’intérieur, c’est souvent un indélicat salarié, qui, mis au courant des lots de nacres prêt a être récolté, trahira la confiance de son patron.
Imaginez, la tension qui précède l’heure de la récolte, les nacres ont alors bénéficiées de près de 5 années d’attentions. Celles qui auront survécu ne révèleront leur trésor qu’à ce moment là!
Ces moments d’une rare intensités détermineront l’avenir de la petite ferme perlière.
Découvrez le quotidien d’une ferme perlière artisanale à l’heure de la récolte
La récolte est toujours source de grandes émotions.
Un biotope si fragile.
Depuis la nuit des temps, l’isolement et l’austérité des atolls ont assuré une relative protection des lagons contre les dégradations occasionnées par les activités humaines.
La préservation de ces sanctuaires naturels en plein océan a été malmenée par l’arrivée de la perliculture et de la société de consommation. Les populations indigènes ont, parfois, été multipliées par 10 avec la venue de travailleurs issus des quatre coins de la Polynésie. Ce frénétique développement a bouleversé les habitudes ancestrales des « paumotus » , même si en contrepartie, le progrès technologique a apporté une certaine amélioration de leurs conditions de vie. Des dessertes aériennes régulières, un dispensaire médical, commerces et administrations pour le bien être de la population.
Aujourd’hui, le soufflet est un peu retombé et l’activité a fortement décliné. Nombreux, sont les vestiges d’exploitations abandonnées, témoins fantomatiques d’un « Eldorado » déchu.
Chaque perliculteur responsable, se doit de limiter sont impact sur ce fragile écosystème qui l’entoure, abrite son activité et généralement le nourri. L’utilisation de technique d’exploitations, non polluantes propres à préserver son environnement immédiat dont il tire sa subsistance, est une obligation.
Personnellement, j’ai depuis longtemps délaissé les options mécanisées (surpresseurs d’eau, machines) pour l’entretien de mon cheptel de nacres. J’ai opté pour un nettoyage entièrement naturel, les poissons sont d’une aide précieuse et bénéficient grandement de ce surplus de nourritures.
Ils sont friands des épibiontes, crustacés et petits coquillages qui ont colonisés les huîtres pendant leur séjour en pleine eau.
Nettoyage et entretien écologique des nacres.
Les poissons papillons et les perroquets sont des aides précieux pour le nettoyage et l’entretien des nacres.
La boucle est bouclée, l’homme nourri le poisson qui lui-même en retour, profitant de cette manne de nourriture, assure un entretien écologique du cheptel de nacres. Cette méthode manuelle et naturelle est vraiment adaptée aux productions artisanales.
Gageons qu’un nouvel équilibre s’installera, misons sur l’incroyable capacité de la nature à digérer et faire disparaître toutes traces de ces anciennes activités humaines. Les coraux coloniseront les vestiges immergés, autant de nouveaux repaires pour une multitude de poissons multicolores. La pression de chasse atténuée, verra le retour des tortues et du « Kaveu »